La tourelle sud de la Collégiale Sainte Gertrude de Nivelles est ornée d'un petit guerrier de huit pieds de haut (soit 2,08 m.), habillé de plaques de laiton doré et armé d'un marteau. Son poids est de 350 kg. On l'appelle Jean de Nivelles.
Il ne faut pas voir dans l'automate nivellois un héros historique ou légendaire, encore moins un monument commémoratif. C'est un simple jaquemart de caractère local.
Autrefois, en effet, au sommet des monuments publics, un veilleur signalait l'approche des ennemis, les incendies qui éclataient, etc. Antérieurement aux horloges, ils annonçaient les divisions du temps. Est-ce pour garder le souvenir de ces guetteurs que l'on fabriqua des hommes en métal ? C'est très probable.
Jean de Nivelles serait né vers 1400. Il avait été placé sur la tour de la maison communale, qui se trouvait dans la partie inférieure de la grand place. Aussi longtemps qu'il officia à l'hôtel de ville, les textes ne lui donnent pas de nom. En 1525, c'est "l'homme qui frappe les heures" et en 1535 "l'homme de keouvre" (cuivre). Tout porte à croire qu'il a été baptisé lors de son transfert à la tourelle sud de la collégiale en 1617.
Pourquoi baptisa-t-on notre jaquemart "Jean de Nivelles" ? Peut-être parce que Jean est le sobriquet par excellence et qu'il convenait très bien pour personnifier le type populaire du vétilleur, du chipotier, du Djan farfouye que le jaquemart de Nivelles semble si bien incarner. Mais la légende est bien plus belle. Au XVème siècle, le seigneur français Jean de Montmorency, seigneur de Nivelle (Nevele en Flandre), fils aîné de Jean II de Montmorency, refusa de marcher contre le duc de Bourgogne, malgré l'ordre de son père, se dérobant à toute les sommations, d'où la locution populaire : il ressemble au chien (par corruption de 'à ce chien') de Jean de Nivelles qui s'enfuit quand on l'appelle. Ce Jean de Nivelles, ce Montmorency, va servir de motif à de très nombreuses et jolies chansons, dont le succès s'avéra considérable. Dès le XVIIème siècle, ce succès rejaillit sur le jaquemart de Nivelles. On le confond avec le Montmorency, il devient un héros local et on l'appelle Jean de Nivelles. On lui attribue le dicton 'du chien qui s'enfuit quand on l'appelle'. On ira même jusqu'à lui donner un chien pour compagnon.
Jean de Nivelles sonna les heures jusqu'au début du XVIIIème siècle. En 1702, une horloge, munie de quatre grands cadrans, fut placée dans la tour centrale de la collégiale. À partir de cette époque, la grosse cloche de la tour sonna les heures tandis que Jean ne battit plus que les demies en frappant de son marteau une cloche placée à côté de lui.
Le soir du mardi gras 1859, la foudre alluma un incendie qui ravagea la collégiale. Jean de Nivelles survécut au sinistre mais était réduit à l'immobilité, sans carillon, sans mécanisme. Lors du rétablissement du carillon, le 29 août 1926, un système mécanique lui permit de reprendre ses fonctions traditionnelles de 'batteur de cloche'. Pas pour longtemps ... Nouveau cataclysme en mai 1940 : l'aviation allemande bombarde Nivelles. La collégiale est détruite, le clocher s'effondre ... mais Jean de Nivelles est miraculeusement épargné et il reste solidement accroché à 'sa' tourelle. Pendant quatre ans, il va en quelque sorte narguer l'occupant. Le matin du 21 juillet 1944, fête nationale, il arbore le drapeau belge ! Malheureusement, le 3 septembre 1944, lors des derniers combats pour la libération de la ville, il est mitraillé : son casque, sa tête et son corps sont atteints par les balles. Aujourd'hui, restauré, redoré, il brille de tout son éclat au sommet de sa tourelle tandis qu'un nouveau carillon égrène sa ritournelle à l'heure et à la demie. Tout chargé du passé de la cité et des souvenirs de chacun, il veille sur la ville et ses habitants, vivant symbole du vieil esprit nivellois et de son humeur luronne.
Jean DETOURNAY
Vive Djan-Djan
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Vive Djan-Djan |
Quand Djan-Djan èst dèskindu Avè l’rûwe dè Mons à s’cu Abiyî in pèlèrin Pou fé rire tous lès djins |
Quand Jean-Jean est descendu Avec la rue de Mons au cul, Habillé en Pèlerin Pour faire rire tout les gens |
(Refrain) vive Djan-Djan, vive Djan-Djan c’èst l’pus vî ome dè Nivèle vive Djan-Djan, vive Djan-Djan c’èst l’pu vî d’nos-abitants |
(Refrain) Vive Jean-Jean, vive Jean-Jean C’est le plus vieil homme de Nivelles Vive Jean-Jean, vive Jean-Jean C’est le plus vieux de nos habitants |
Quand l’pieufe mèt l’Dodaine à boûrd Ele dèsgouline su s’grand coûrp Mins quand l’solèy ès’t-à s’djeu Vos dîrîrz qu’i va prinde feu Vive Djan-Djan |
Quand la pluie met la Dodaine à ras bord Elle dégouline sur son grand corps Mais quand le soleil est à son jeu Vous diriez qu’il va prendre feu ! Vive Jean-Jean
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Par nût, minme sans clér dè bèle l rlût come ène qrande èstwèle Lès tchap’soris, lès tchafaus L’guidont d’vant d’soûrti d’leûs traus vive Djan-Djan |
Durant la nuit même sans clair de lune Il reluit comme une grande étoile Les chauves souris, les hiboux Le regarde avant de sortir de leurs trous Vive Jean-Jean
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Li qui stoût d’djà vî tchoupère Pou lès parints d’nos grand-pères Yun sûvant l’aute i nos vwèt Monter l’ fauboûr Chalèrwè vive Djan-Djan |
Quand il ne tape pas sur sa cloche Il dort souvent comme une souche Voyez quand tombant, son marteau Le réveillerait par ses orteils ! Vive Jean-Jean |
Quand d’passe in vûwe dè s’tourète Djé li fé râde ène clignète Dje l’voûroû chokî du cousse ln li d’zant : «c’èst mi, vî cousse» ! vive Djan-Djan |
Quand je passe près de sa tourette Je lui fais vite un clin d’oeil Je voudrais lui donner un coup de coude En lui disant «C’est moi, l’ami !» Vive Jean-Jean |
Quand Djan-Djan i sâra moûrt On l’min-ra jusqu’au fauboûrg Avè sès deus pîds pa-d’vant Eyè s’boudine au mitan ! vive Djan-Djan |
Quand Jean-jean il sera mort On l’enterrera au faubourg Avec ses deux pieds devant Et son ventre au milieu ! Vive Jean-Jean
Traduction française de G. Willame
(1836-1917)
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