Célébrités |
Nombreux sont ceux et celles qui, nés ou non à Nivelles mais ayant passé dans ses murs la plus grande partie de leur vie active, ont assuré au fil des siècles la renommée internationale de la capitale du Roman Païs.
ArtistesGeorges AGLANE (1912 - 1993)GEORGES AGLANEUn seul mot d'ordre toute sa vie durant, l'art sous toutes ses formes : dessin, gravure, peinture, lithographie, sculpture et médaillistique. Peintre en bâtiment, spécialiste comme son père dans la re-création de divers décors ornementaux, restaurateur à ses heures du patrimoine religieux, ce qui lui valut de perdre un oeil en tombant d'un échafaudage à Veurne, Georges Aglave, dit Aglane, va s'imposer par son symbolisme souvent déconcertant, alliant une sûreté du dessin à une inspiration sortant de l'ordinaire. Tenté assez tard par la réalisation de médailles, il est l'auteur d'une série d'oeuvres de haute tenue, dont quelques-unes commandées par la Communauté française de BelgiqueLaurent DELVAUX (Gand, 1696 - 1778)LAURENT DELVAUX1. Bibliographie Milieu familial et jeunesse Laurent Delvaux naquit à Gand le 17 janvier 1696. Il est issu d’une famille de militaires de carrière originaire du Brabant wallon (Herbais sous Marilles, près de Jodoigne). Son père et son grand-père furent officiers de cavalerie dans le régiment du comte de Mérode et marquis de Westerloo, passé en 1706 au service de l’Autriche. Sa mère, Françoise Chasselat, était vivandière et blanchisseuse dans le régiment de son mari. Le sort des armées a voulu que le régiment de Westerloo soit en garnison à la citadelle de Gand quand Laurent Delvaux vint au monde. Le séjour en Angleterre (1721-1728) En 1721, Laurent Delvaux, qui a alors 25 ans, accompagne son maître Pierre-Denis Plumier à Londres, à l’invitation du Comte William Cadogan, alors en mission diplomatique dans les Pays-Bas. A Rome, Laurent Delvaux parfait ses connaissances en copiant les œuvres maîtresses de l’Antiquité sous forme de «bozetti», mais aussi en marbre, à la demande de commanditaires anglais avec lesquels il est resté en relation. Il y étudie également la statuaire du baroque italien tardif, dont il fait de nombreux croquis. A son retour dans les Pays-Bas du Sud en 1732, Laurent Delvaux s’installe d’abord à Bruxelles, et muni de ses recommandations romaines, obtient de l’archiduchesse Marie-Elisabeth, gouvernante générale et sœur de l’Empereur d’Autriche, le titre de sculpteur de la Cour. Ce titre lui sera renouvelé en 1750 par Charles-Alexandre de Lorraine, successeur de Marie-Elisabeth et beau-frère de la nouvelle impératrice Marie-Thérèse. Le 7 janvier 1734, Laurent Delvaux épouse à Nivelles Marie Agnès Colas, de 2 ans sa cadette, en l’église paroissiale St Jean l’Evangéliste (devenue St Nicolas et détruite par le bombardement de 1940). Il s’agit du retable de l’autel de l’ancienne église capitulaire St Paul (qui était aussi une église paroissiale). Cette oeuvre en chêne sculpté, provenant de l’ancienne église des Carmes, évoque un épisode de l’Ancien Testament. Le prophète Elie, considéré comme le patron de l’ordre des Carmes, s’est réfugié au désert. Epuisé, il est secouru par un ange qui lui apporte du pain et de l’eau, et se penche sur lui avec sollicitude. Ces quatre statues d’apôtres sur consoles sont en chêne. Accrochées jusqu’en 1940 aux piliers proches du transept oriental, elles orientaient, par leurs gestes et leur attitude les regards des fidèles vers le chœur. Cette œuvre en chêne est signée par L. Delvaux, mais n ‘est pas datée. Selon A. Jacobs, elle provient probablement de l’église St Paul où elle a dû orner, voire couronner le maître-autel. Ces œuvres en chêne représentent respectivement la mère et le père de Ste Gertrude. Itte y est habillée en chanoinesse et portant le manteau d’hermine, de sorte que la tradition locale a considéré cette figure féminine comme étant sa fille, Ste Gertrude, 1ère abbesse de Nivelles, mais elle n’en possède pas les attributs (crosse, bible ouverte et rongeurs grimpant le long de sa robe). Il s’agit de la troisième chaire réalisée par Laurent Delvaux, après celles de l’église des Carmes et de la cathédrale St Bavon à Gand. Etant déjà âgé lorsqu’il en reçut la commande, il la réalisa en collaboration avec le sculpteur Philippe Lelièvre et le menuisier Nicolas Bonnet pour les parties en chêne, se réservant les sculptures en marbre blanc. Démembrés à la suite du bombardement de 1940, les éléments qui constituaient ce tambour de porte, avaient été relégués dans les combles de la collégiale pendant plus de 50 ans. Ils ont été réinstallés à leur emplacement d’origine lors de la récente restauration du tambour réalisée par l’ébéniste de la ville Christian Patriarche, et achevée en 2004. Cet éminent restaurateur du patrimoine mobilier en bois sculpté de la collégiale a, depuis lors, été admis à la retraite.
PoliticiensJean-Baptiste DANGONAU (Auxonne, 1770 - Baulers, 1854)JEAN-BAPTISTE DANGONAUFrançais d'origine, plein d'initiatives, politicien hors pair ayant réalisé le tour de force de s'imposer sous les régimes français, hollandais... et belge comme maire puis bourgmestre et après avoir été chassé à l'une ou l'autre reprise. Il est à l'origine de la création du parc de la Dodaine mais aussi de l'Académie de Musique, de l'Hôpital civil, de l'Hospice dans la foulée, etc.Ecrivains - PoètesAlbert DU BOIS (Ecaussinnes-d'Enghien 1872 - Bruxelles 1940)ALBERT DU BOISPoète, dramaturge classique et partisan, lui aussi, d'une Wallonie tournée vers la France, Albert du Bois obtint le doctorat en droit dès 1895 et vint occuper une propriété maternelle, le château de Fonteneau, à Nivelles, en 1896. Polémiste à ses heures, il voulut éveiller les consciences wallonnes en les nourrissant de romans et de pièces de théâtre directement inspirés du monde classique : Le Cycle des Douze Génies, Les Romans de l'Hécatombe, L'Hérodienne, etc., pièce qui lui valut, en 1926, les honneurs de la Comédie-Française à laquelle il répondit en construisant et en gérant un théâtre de verdure destiné à accueillir les postulants de la grande compagnie.Jules DE BURLET (Ixelles, 1844 - 1897)JULES DE BURLETAvocat de formation, élu député catholique de l'arrondissement de Nivelles, il dirigea, entre 1894 et 1896, un gouvernement d'obédience catholique qui se fit surtout remarquer par la réforme de la loi fondamentale des communes. Bourgmestre de sa ville, il fut aussi Ministre de la Justice, puis de l'Intérieur, Ministre plénipotentiaire au Portugal et enfin Ministre d'Etat.Marguerite DE HAYNIN (15?? - 1623)MARGUERITE DE HAYNINNommée abbesse en 1604, la 47ème en titre, elle va assister à la création du Séminaire cher à François Buisseret, alors évêque de Namur, à l'installation des Jésuites, heureux héritiers de l'église Saint-Georges désaffectée puis enseignants au Séminaire, et enfin à l'installation des Capucins en ville. Généreuse et philanthrope, Marguerite de Haynin crée, de ses propres deniers, la Maison des Orphelins, dont la pierre de fondation fait partie du lapidaire ornant la cour intérieure du Musée communal.Emile DE LALIEUX (1862 - Ouchy, 1918)EMILE DE LALIEUX DE LA ROCQDocteur en droit, vite intéressé par la politique, il est conseiller communal au lendemain de ses 28 ans et bourgmestre 5 années après, soit 1895, poste qu'il ne quittera, contraint et forcé, qu'en 1917. Député catholique, militant, président remarqué des Associations catholiques de l'Arrondissement, il prend la défense des moins favorisés, ce qui lui vaudra la déportation... et la mort par maladie. MécènesMarbriano DE ORTO (Tournai 1460 - Nivelles 2/1529)Marbriano DE ORTO, (Dujardin)Marbrien de Orto, enfant illégitime d'un prêtre, est né dans les environs de Tournai en 1460. On lui doit cinq messes polyphoniques (en cantus firmus, pour les érudits), des motets et des chansons sur des mélodies populaires, celles-ci figurent dans deux manuscrits "Albums poétiques de Marguerite d'Autriche". de Orto a fait don à la collégiale de divers éléments dont les plus connus sont le coffre-armoire en laiton, en forme de châsse placé sur l'édicule situé dans le fond du chœur oriental, de la balustrade en laiton qui l'entoure, d'un grand lutrin en bronze, en forme d'aigle aux ailes déployées, d'un grand chandelier à sept branches, en bronze également. Ces deux derniers objets semblent avoir disparu. A propos de l'édicule supportant le coffre-armoire La châsse gothique fut vraisemblablement exposée à l'origine sur un support en pierre bleue situé derrière l'autel majeur, au fond du chœur oriental : voir la représentation que Thonon en fait sur les bas-reliefs de son retable. Sainte GERTRUDE (Landen (?), 626 - 659)SAINTE GERTRUDEFille cadette de Pépin le Vieux et d'Itte (ou Iduberge) d'Aquitaine, première abbesse de l'abbaye de Nivelles, elle a toujours voulu se consacrer à Dieu et y est parvenue à force de sacrifices et de don de soi. Elle est devenue la patronne d'adoption de la ville de Nivelles, où elle est enterrée d'ailleurs, ses restes faisant l'objet d'un pèlerinage toujours vivace, le Tour Sainte-Gertrude. Sanctifiée probablement dans le courant du 12ème siècle. Hubert KERSAN (fin 15 s. - début 16 s.)Hubert Kersan
Hubert KERSANHumaniste et théologien, de la fin du 15ème au début du 16ème siècle, traducteur d’Erasme, Hubert Kersan incarne bien l’homme de son temps. Auguste LEVEQUE (1866 - 1921)AUGUSTE LEVEQUEAvant tout peintre symboliste (Job / Mater Dolorosa / Les Provinces belges...), il fut tour à tour poète, écrivain dialectal et sculpteur. Connu pour son caractère entier, il vendit quelques oeuvres à sa ville, en 1922, avant de partir en "exil". Une exposition destinée à ranimer son souvenir a été organisée en 1994, au grand éblouissement des connaisseurs. Et c'est si vrai que Sotheby's vient de vendre, une de ses toiles à un musée taïwanais pour la somme respectable de 3.3465,63€Sainte MARIE de NIVELLES dite d'OIGNIES (1177 - Oignies, 1213)SAINTE MARIE DE NIVELLESNée dans une maison sise rue de Mons, elle épousa dès l'âge de 14 ans un jeune homme de la ville, sans cependant consommer leur union. Tous deux résolus à faire le bien de leur entourage, ils prirent en charge une léproserie au lieu-dit Willambroux, où se dressaient les huttes des lépreux.En plein accord avec son époux, elle s'isola à Oignies, près de Aiseau, en bord de Sambre, et y fonda un prieuré où se rassemblèrent bientôt quelques femmes membres du mouvement béguinal alors en pleine extension. Henri PAUWELS (19-01-1890 - Gander 18-09-1946)HENRI PAUWELSAttiré par le social depuis toujours, Henri Pauwelz sera un syndicaliste dans l'âme. Amoureux de sa ville natale il fut président de la CSC et nommé Ministre des Victimes de la Guerre. Envoyé en mission en Amérique du Nord, il figurera parmi les victimes. L'avion s'étant écrasé dans les forêts de l'ile de Terre-Neuve (Canada) près de Gander. Emmanuel-Henri-Joseph PLON (Ath, 1742 - 1832)EMMANUEL-HENRI-JOSEPH PLONFormé à la discipline typographique par son père alors établi à Ath, puis à Mons, il va répondre en 1773 aux sollicitations de l'administration communale de Nivelles, à la fois comme libraire et comme imprimeur. Il est fin prêt au début de l'année 1774. En 1804, la petitesse de la librairie-imprimerie et les perspectives très restreintes d'expansion économique amenèrent les enfants d'Emmanuel Plon à envisager soit l'exil, soit la reconversion dans d'autres activités plus lucratives.Son fils Henri gagna Paris où il fit carrière d'imprimeur, son fils Philippe parvenant à y imposer la maison d'édition (rue Garancière, 8) qu'on y connaît encore comme une des plus actives et renommées, même si demeure seul le nom inscrit en façade. Joseph SEUTIN (1793 - 1862)JOSEPH SEUTIN (docteur)Vivement intéressé dès son plus jeune âge par tout ce qui concerne la médecine, le bachelier Joseph va faire ses premières armes de chirurgien lors de l'ultime conflit napoléonien de 1814-1815, victime comme beaucoup de jeunes de la terrible loi de conscription. Effrayé par le nombre incalculable de combattants touchés aux membres, il met au point une méthode d'immobilisation des os cassés (amovo-inamovible), ancêtre de notre "plâtre" actuel.Devenu spécialiste en matière d'accouchement, il obtient une chaire à la toute nouvelle Université de Bruxelles. Promu baron, il sera pourtant écarté des grands hôpitaux de la capitale, ce qui va l'amener à consacrer ses moyens financiers à la prospérité de sa ville natale : école gardienne, Bureau de Bienfaisance, restauration de la fontaine gothique. Jean THONON II (Dinant 1610 - Liège 1673)JEAN THONON II, dit Jean le cadet appelé aussi Thomas de Dinant.Par testament, Madame de Haynin, abbesse de 1604 à 1623, légua 1000 florins pour l’établissement d’un nouveau retable en albâtre derrière le maître-autel (dans le chœur). Il est l’œuvre de Jean Thonon de Dinant. Contrat d’exécution 1629. Marquis de TRAZEGNIES (1105)Marquis de TrazegniesFin 17e siècle, Le mausolée, de plus de 7m, sculpté par Kerricx de Termonde fut commandé par Albert François de Trazegnies (
1699), prévôt de Nivelles, en souvenir et de son frère Ferdinand François, chanoine de Tournai et d’Anderlecht, chancelier de l’université. Sur ses côtés, les sculptures-portraits de sa tante Anne, chanoinesse à Nivelles, (1667) et de sa nièce Jacqueline (1680). Sur un catafalque démesuré les deux frères, à gauche le prévôt de Nivelles, à droite le chanoine de Tournai. Trazegnies fut le siège d'une puissante seigneurie indépendante à la limite du duché de Brabant, du comté de Hainaut, et de la principauté de Liège, ainsi que le berceau d'une des plus illustres familles d'Europe : plusieurs seigneurs de Trazegnies participèrent aux croisades, l'un d'eux (Gilles le Brun) fut connétable de France sous saint Louis, un autre épousa par procuration au nom de Charles Quint l'infante du Portugal, Isabelle de Portugal; Jean III fut nommé chevalier de la Toison d’Or et d'autres furent investis de hautes fonctions par les gouverneurs des Pays-Bas 1135-1137 Johannes TINCTORIS (1430 - 1511)JOHANNES TINCTORISLe nom de Johannes Tinctoris est généralement associé à l’histoire de la théorie musicale. Auteur du premier dictionnaire des termes musicaux ( Terminorum musicœ diffinitorium, 1495 ), il a rédigé plus d’une dizaine de traités qui couvrent tous les aspects de la pratique musicale de la seconde moitié du XVe siècle, des règles de contrepoint (Liber de arte Contrapuncti, 1477) à l’histoire de la musique (De inventione et usu musicae, 1480) en passant par une proposition de réforme de la notation (Liber imperfectionum notarum musicalium, 1475). A elle seule, cette contribution à la théorie suffit à justifier l’importance accordée à ce Brabançon de naissance. Il y a malheureusement un revers à cette gloire : les autres activités de Tinctoris vivent dans l’ombre de ses écrits. Et ces activités furent nombreuses.Johannes Tinctoris naquit à Braine-l’Alleud entre 1430 et 1435. Fils d’un échevin de Braine, il semble avoir reçu une éducation solide, tant générale que musicale. Si aucun document n’atteste d’une activité avant son passage à la cathédrale de Cambrai en 1459-1460, rien n’interdit de supposer qu’il fut peut-être actif à Saint-Vincent de Soignies ou à Sainte-Gertrude de Nivelles. En 1460, il est "succentor " à la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, avant d’y devenir, en 1463, maître de chœur. Cette même année, le 1er avril, il est nommé procureur de la Nation germanique à l’Université d’Orléans, poste important qui révèle une autre facette de la personnalité du théoricien, celle d’un expert en droit. Sans doute est-ce cette double compétence de juriste et de compositeur qui incita le roi Ferdinand 1er de Naples à engager Tinctoris au titre de "capellanus ". Aucun document ne permet cependant de préciser à quel moment Tinctoris part pour Naples. Tout au plus peut-on présumer qu’il y arrive vers 1472. A Naples, Tinctoris est non seulement chargé de la chapelle musicale et conseiller juridique, il est également maître de musique de Béatrice, la fille du roi. Sa position privilégiée à la cour aragonaise l’a sans doute amené à effectuer plusieurs missions hors de Naples. Mais, une fois encore, il semble difficile d’en fournir une liste détaillée. Tinctoris n’a pas rompu tous les liens avec le Nord. Il aurait effectué une visite à Bruges en 1487. Il jouit également d’un bénéfice relativement important puisqu’il est cité comme chanoine de la Collégiale Sainte-Gertrude de Nivelles. Entre la fin des années 1480 et 1511, date supposée de la mort du célèbre théoricien, rien n’éclaire sur ses activités. De Tinctoris, les sources n’ont pas conservé un grand nombre de compositions : quatre messes dont une incomplète (trois Missa Sine nomine et une Missa L’homme armé), tout autant de motets et neuf pièces profanes. A ce corpus relativement maigre, il convient d’ajouter les exemples que Tinctoris a composés pour ses traités ; exemples qui dépassent souvent leur fonction illustrative. Le manuscrit de Verone (Bibl.Capitolare, Ms DCCLV) contient une des deux Missa Sine nomine à trois voix de Tinctoris. Elle y figure sous le titre de Missa 3 vocum secundi toni irregularis cum contratenore extra manum in diapenthe sub ut. S’il est plus que probable que Tinctoris n’a pas fourni ce titre, il n’en demeure pas moins que celui-ci reprend dans sa formulation des termes utilisés par le compositeur dans ses traités, termes qui méritent quelques éclaircissements en ce qu’ils définissent le projet de cette messe. Il s’agit d’abord d’une messe à trois voix : un cantus noté en clef de ténor, un ténor noté en clef de basse et un contraténor noté en clef de gamma (la clef de gamma est une clef de sol sur la troisième ligne et indique le recours à une voix grave, une quinte plus bas que la clef de basse habituelle). Le titre précise également que cette messe est composée dans le " secundi toni irregularis ", dans un deuxième ton irrégulier. Le Terminorum apprend qu’un mode est irrégulier lorsqu’il emprunte sa finale à un mode . Même si cette définition reste vague (s’agit-il d’un mode traité normalement excepté pour la finale ou s’agit-il d’un mode transposé ?), il n’en reste pas moins que cette messe est en Ut protus, un mode dorien transposé, qui n’apparaît qu’exceptionnellement au XVe siècle (deux autres exemples connus). La prticularité de ce mode d’Ut protus est qu’il suppose deux transpositions, à la quarte supérieur et à la quinte inférieure (de ré à sol et de sol à ut) et l’exploitation d’un ambitus différent. Ces irrégularités (" irregularis ") dans le traitement du mode n’enfreignent cependant pas les règles prescrites par Tinctoris dans ses traités: chaque voix respecte sa propre unité modale, mais, en plus, la combinaison des premier et deuxième modes dans leurs formes irrégulières crée un mélange authente-plagal qu’autorise le théoricien. La dernière partie de l’intitulé, " avec le contraténor hors la main, un quinte plus bas ", justifie que le contraténor descende fréquemment jusqu’à l’ut grave, voire même au si bémol grave, conférant à cette messe sa couleur particulière. La Missa L’homme armé (Vatican, Capp.Sist.,Cod.35) n’est pas non plus exempte de particularités. Si elle s’intègre, par bien des aspects, dans la tradition des messes sur ce célèbre cantus firmus, elle recourt à deux reprises (dans le Kyrie et dans le Sanctus) à des tropes. Cette interpolation explique le titre parfois donné à cette messe : Missa Cunctorum plasmator summus. Dans la Kyrie, les neufs prosulae du trope sont distribuées de manière égale entre les trois sections (trois pour le Kyrie 1, trois pour le Christe, trois pour le Kyrie 2). Le texte " Cunctorum plasmator summus " est connu par ailleurs et ne possède probablement pas de fonction liturgique. Les tropes du Sanctus s’avèrent être une paraphrase du livre d’Israël (6 : 3) ; celles de l’Hosanna puisent à plusieurs sources du Nouveau Testament, tandis que les tropes du Benedictus sont originales. Le caractère unique de ces tropes laisse penser que Tinctoris a pu en être l’auteur, suggestion que confirme la maîtrise de la langue latine dont il fait preuve dans ses écrits théoriques. Ni les irrégularités de la messe à trois voix (parmi lesquelles il convient également de signaler le Credo tronqué), ni les tropes de la Missa L’homme armé ne fournissent des éléments de datation, d’autant que les deux messes recourent à des pratiques qui n’ont rien d’unique. Johannes Regis (ca. 1430 - ca. 1485) a intégré des textes extérieurs à l’ordinaire dans sa Missa Dum sacrum mysterium (également une Missa L’homme armé) ; plusieurs compositeurs exploitent, dans la seconde moitié du XVe siècle, des tessitures graves, impliquant l’usage des clefs inhabituelles, dans leurs messes (dont Johannes Ockeghem). De plus, si Tinctoris évoque fréquemment les oeuvres de ses prédécesseurs et contemporains dans ses traités, il ne parle qu’exceptionnellement de ses propres compositions "La Missa L’homme armé" a suscité plusieurs tentatives de datation. En 1492, époque à laquelle le manuscrit du Vatican dans lequel figure la "Missa L’homme armé" a été compilé, Tinctoris se serait trouvé à Rome pour l’intronisation du pape Alexandre VI, cérémonie à laquelle il aurait collaboré. Par ailleurs certains musicologues ont tissé des liens entre certaines messes sur le cantus firmus " L’Homme armé " et l’Ordre de la Toison d’Or. Or non seulement Tinctoris travaillait pour un membre éminent de cet ordre, le roi Ferdinand de Naples, mais en plus avait été chargé d’en traduire les statuts. Si rien ne permet de situer plus précisément la composition de la Missa L’homme armé, en revanche, il semble acquis que la Missa Sine nomine a été composée pour le roi Ferdinand. C’est ce que laisse supposer le distique noté en tête de la messe dans le manuscrit de Vérone: " Ferdinande sacer inter divos referende cantica tintoris suscipe parva tui " (" O Ferdinand, suffisamment saint pour compter parmi les dieux, accepte ces petites compositions de ton Tinctoris "). Tinctoris est un compositeur inspiré qui parvient à un juste équilibre entre une inspiration foisonnante et une maîtrise des procédés techniques. Ces deux messes le démontrent d’autant mieux qu’elles présentent deux manières différentes de concevoir l’écriture polyphonique. Car la texture à quatre voix, proche du motet, et la texture à trois voix, proche de la chanson, obligent le compositeur à traiter le matériau musical de deux manières différentes, confirmant que la texture à trois voix ne peut pas être simplement envisagée comme une réduction de la texture à quatre voix. Ces deux messes confirment que les talents de Johannes Tinctoris sont multiples : ils provoquent la raison tout en charmant l’oreille. Retour - Terug - Back |